Les rois de Francie occidentale entre 877 et 888

Première période d'immobilisation

Entre la mort de Charles le Chauve le 06 octobre 877 et l'accession au trône d'Eudes le 29 février 888, quatre rois des Francs occidentaux aux règnes courts se succèdent. Aucune monnaie de Bourges à leur nom n'a été retrouvée :

Louis II dit « le Bègue » (fils de Charles le Chauve, né le 1er novembre 846, mort le 11 avril 879 à Compiègne).

Après avoir été investi roi d'Aquitaine en 867 par son père, il devient roi des Francs après la mort de Charles le Chauve et est couronné le 8 décembre 877 à Compiègne. Sacré une deuxième fois par le pape Jean VIII, lors du concile de Troyes le 7 septembre 878, il demeure un roi sans pouvoir, à l'autorité faible, dominé par la puissance de l'aristocratie.

Louis III (fils de Louis le Bègue, né entre 863 et 865, mort le 5 août 882).

En septembre 879, sont célébrés le couronnement et le sacre de Louis et de son frère cadet Carloman à Ferrières-en-Gâtinais. L'héritage de Louis II est partagé en mars 880 à Amiens : Louis obtient la Neustrie, tandis que son frère Carloman reçoit l'Ouest de la Bourgogne, l'Aquitaine et la Septimanie.
Louis III meurt accidentellement en 882, âgé d'environ 18 ans, et son frère Carloman devient le seul roi de Francie occidentale.

Carloman II (fils de Louis le Bègue, né vers 867, mort le 6 décembre 884 à Lyons-la-Forêt).

Après le partage du royaume des Francs occidentaux avec Louis III en 880, les deux frères se tournent contre Boson de Provence, qui s'est déclaré roi de Bourgogne le 15 octobre 879 et s'est fait couronner à Mantaille près de Vienne. Une première expédition, à l'été 880, vise à pacifier le Berry, l'Autunois et le Nivernais.
Après s'être emparés de Mâcon, ils mettent le siège devant Vienne avec Charles le Gros qui se retire dès l'automne pour se rendre en Italie y recevoir la couronne impériale en février 881. Puis Louis III doit le quitter pour s'opposer aux envahisseurs Vikings. Après la mort de son frère, le 5 août 882, Carloman II abandonne le siège de Vienne et se fait reconnaître comme seul roi des Francs occidentaux par une assemblée réunie au palais de Quierzy le 9 septembre.
Il meurt en 884 des suites d'un accident de chasse, âgé de 17 ans et sans descendance. Charles, le dernier fils de Louis le Bègue, étant trop jeune, les grands du royaume appellent l’empereur Charles le Gros pour assurer la régence.

Charles III dit « le Gros » (troisième fils de Louis le Germanique, frère de Charles le Chauve, né en 839 et mort en janvier 888).

Héritier de l'Alémanie à la mort de son père en 876, roi d'Italie en 879, couronné empereur d'Occident par le pape le 12 février 881, il devient en 882 par captation de l'héritage de ses frères aînés un puissant roi de Francie et le maître de toute la Lotharingie. Il devient roi (ou régent) de Francie occidentale en 885 après la mort du roi Carloman II et l'appel des aristocrates neustriens. En juin 885, Charles reçoit le serment d'allégeance des grands vassaux du royaume franc au palais de Ponthion.
D'octobre 885 à février 886, les Normands envahissent la Neustrie et assiègent Paris. Arrivant de Germanie avec une puissante armée, Charles le Gros reste indécis sur l'action et préfère traiter avec les Normands en leur permettant de passer pour mettre à sac la Bourgogne en révolte contre son pouvoir central. Ces décisions et son incapacité à venir en aide aux parisiens assiégés altèrent profondément son prestige royal. En novembre 887, Charles est déchu de ses titres par des nobles de Francie orientale révoltés.
Sa mort en 888 provoque l'élection d'un successeur, et le 29 février 888, les seigneurs de Francie occidentale élisent comme roi le héros du siège de Paris, le comte Eudes.

Durant cette époque, l'unité monétaire que Charles le Chauve s'était attaché à maintenir dans les émissions disparaît progressivement. Des ateliers continuent à frapper des monnaies au monogramme carolingien, sans changer le nom du roi, et des pouvoirs locaux commencent à émettre pour leur profit exclusif. A Bourges, ce sont les monnaies au type de Charles le Chauve avec la légende CARLVS IMP AVG qui continuent à être frappées.

Les monnaies immobilisées au nom de Charles empereur

Les monnaies qui suivent sont généralement attribuées à Charles le Chauve, empereur d'Occident de 875 à 877, et parfois à Charles le Simple, roi des Francs occidentaux de 893 à 922. Rien ne permet de douter que certaines d'entre elles aient été frappées du vivant de Charles le Chauve. Le trésor d'Huriel contenait d'ailleurs mêlées une grande quantité de monnaies de l'atelier de Bourges au nom de Charles roi et au nom de Charles empereur, ce qui montre que ces deux types ont bien été frappés consécutivement.

Mais aucune monnaie au nom du roi Eudes n'était présente dans ce trésor, quel que soit l'atelier, et il paraît peu probable que des frappes au type de Charles empereur aient été reprises sous Charles le Simple, après plus de vingt ans et les règnes successifs de cinq rois. Et si aucun des noms des rois qui ont suivis Charles le Chauve et précédé Eudes n'ont été portés sur les monnaies frappées à Bourges, il est très peu probable que pour Charles le simple on ait ressorti des coins inutilisés depuis plus de vingt ans, et portant un titre d'empereur qui n'a jamais été le sien, alors que pour Eudes un nouveau type avait été gravé.

Cependant les monnaies à la légende CARLVS IMP AVG présentent de trop nombreuses variétés et fautes de légendes pour que ces modifications se soient produites pendant la courte période où Charles fut empereur. Il semble très vraisemblable que ces monnaies aient été immobilisées sous les règnes de ses successeurs dont on ne connait, pour Bourges, aucune monnaie à leurs noms, et cela jusqu'à l'accession au trône du roi Eudes et la production de ses monnaies. Les deniers au poids très faible, inférieur à 1,40 grammes, sont probablement le fruit d'un ou plusieurs ateliers de faux-monnayeurs qui pouvaient facilement mêler leurs contrefaçons aux monnaies originales en circulation, frappées en grand nombre et sur une longue période.

Il existe de nombreuses variétés de légendes, de droit et de revers pour ces deniers et oboles. Voici les plus remarquables parmi celles que nous avons pu trouver :

+ CARLVS IMP AVC / + BITVRICES CIVIT (voir ici) ;
+ CARLVS IMP AVC / + BITVRICES CIVI (voir ici) ;
+ CARLVS IMP AVC / + BITVRICES CIVT (voir ici) ;
+ CARLS IMP AVC / + BITVRICES CIVIT (voir ici) ;
+ CARLVS MP AVC / + BITVRICES CIVIT (voir ici) ;
+ CARLVS MP AVC / + BITVRICES CIVI (voir ici) ;
+ CARLVS (S rétrograde) IMP AVC / + BITVRICES CIVIT (voir ici) ;
+ CARIVS IMP AVC / + BITVRICES CIVI (voir ici) ;
+ CARLVS IMP AC / + BITVRICES CIVIT (voir ici) ;
+ CARLVS IMP VAC / + BITVRICES CIVI (voir ici) ;
+ CARLVS IMP AVC (légende commençant à 10h) / + BITVRICES CIVIT (voir ici) ;
+ CARLVS IMP AVC / + BITVRICES CIVI ou CIVIT (monogramme avec S rétrograde) (voir ici) ;
+ CVRLVS IMI AVC / + BITVRICES CIVIT (voir ici).

Il en existe d'autres qu'il ne nous a pas encore été donné de rencontrer, connues par les inventaires publiés du trésor d'Huriel (ROGER (François), Le trésor d'Huriel, Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, vol.XXIX, 1905, p.89-95, une planche ; MATER (Daniel), Bulletin numismatique n°28, Mémoire de la Société des Antiquaires du Centre, vol.XXXIV, 1911, p.352-354) :

+ CARLVSS IMP AVC / + BITVRICES CIVIT (obole) ;
+ CARLVS IMP AVC / + BITVRICES CVIT (denier) ;
+ CARLVS IIMP AVC / + BITVRICES CIVIT (denier) ;
+ CARVS IMP AVC / + BITVRICES CIVIT (denier) ;
+ CARLVS IMP VVC / + BITVRICES IVIT (denier).

Denier / 1,63 g / 20,0 mm
Réf. : P.743, Dp.198
Coll. Christophe Bauger

A/ + CARLVS IMP AVC
Croix.
R/ + BITVRICES CIVIT
Monogramme carolingien.

Les deniers avec ces légendes sont les plus fréquemment rencontrés. Les poids relevés vont de 1,77g à 1,48g environ, ce qui démontre une immobilisation accompagnée d'une diminution de leur poids sur une période relativement longue, bien au-delà du règne de Charles le Chauve.

Obole / 0,63 g / 16,5 mm
Réf. : obole de P.748
Source : vente CGB du 03/12/2014

A/ + CARLVS IMP AVC
Croix.
R/ + BITVRICES CIVT
Monogramme carolingien.

Cette obole est l'exemplaire numéro 10 du trésor d’Huriel (Allier), découvert en 1904 et publié en 1906 dans les Mémoires de la société des antiquaires du Centre (voir ici).

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